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webmarketing : toujours pas de quoi être content

Marketing Web : toujours pas de quoi être « content »

Episode 2/2 - Je n’aime pas le mot contenu. Il ne s’agit pas d’un caprice, mais d’une véritable réflexion sur l’avenir du content marketing. Comment toute une profession peut proclamer par monts et par vaux que “le contenu est roi”, tout en lui conservant un nom si bas de gamme et dénué de sens ? Ce qui vous semble être un point de détail sémantique est, selon moi, lourd de conséquences sur l’efficacité des stratégies content marketing. Suite et fin de cette article en 2 parties.

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Table des matières

Dans le premier article de cette mini-série, j’ai commencé à exposer les raisons pour lesquelles que je me méfiais énormément du mot contenu. Selon moi, l’utilisation d’un terme aussi imprécis contribue à une sous-valorisation des contenus utilisés en webmarketing et explique le développement de stratégies principalement basée sur la quantité de contenus, souvent low-cost.
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Qualité des contenus : un souci de mesure

Lorsque l’on mène une stratégie de production de contenu purement quantitative, on génère de la statistique facilement et en masse (nombre de mots, densité de mots-clés, etc.). De la data à triturer dans tous les sens, à corréler avec tout un tas d’autres données (statistiques d’audience ou SEO en l’occurrence).

Et ça, c’est clairement le péché mignon du web marketing !

Faire le procès ici de l’analyse de données, de la mesure de la performance des actions marketing serait bien hypocrite de ma part. Je suis en effet convaincu qu’il s’agit d’une part essentielle du métier… A condition toutefois de veiller à la pertinence des données et des indicateurs que l’on manipule.

En informatique, on parle parfois d’un effet GIGO (pour Garbage In, Garbage Out) : lors d’un traitement, si les données entrantes sont défectueuses ou non pertinentes, les données sortantes le seront tout autant. A mon sens, bon nombre d’analyses sur la performance des contenus tombent au moins en partie dans ce piège. En « oubliant » de prendre en compte et de mesurer la qualité des contenus.

Un exemple parmi tant d’autres : cette récente “anatomie d’un article performant” basée sur une étude réalisée par SEMrush dans le cadre de son “Etat du marketing de contenu en 2019”. A programme, l’éditeur d’outils webmarketing promet du lourd :
Nous avons recueilli plus de 700 000 articles et nous les avons analysés en fonction de différentes métriques de contenu. Nous sommes heureux de vous présenter les résultats de notre étude, et nous espérons que cela vous aidera à améliorer votre stratégie de contenu en 2020”.
Voici quelques uns des résultats mis en avant :

Avec un gros focus sur un critère : la longueur des contenus, qui aurait un impact plus que significatif sur la performance des articles, comme le montrent les graphes suivants.

Les résultats semblent implacables. Personnellement, ils m’interrogent : une analyse sur des critères uniquement “techniques” ou structurels (longueur de texte, de titre, présence de balises, etc.) et faisant complètement l’impasse sur des critères qualitatifs peut-elle donner des résultats pertinents ?

Les 700.000 articles analysés sont issus de 1.000 domaines dotés d’une section blog enregistrant entre 50.000 et 500.000 sessions,” indique SEMrush. En revanche, pas de précision de quelle nationalité sont ces sites web, quels marchés ils adressent ou si ces marché sont BtoB ou BtoC…
Ne peut-on pas imaginer que ces caractéristiques puissent induire des comportements radicalement différents ? Les écarts de notoriété/audience des sites présents dans l’échantillon ne faussent-ils pas le jeu ? Et encore, je n’ose même pas évoquer la qualité éditoriale des contenus (du choix de l’angle à l’agrément de lecture)…
Certes quelque chose qui est certainement beaucoup plus compliqué de mesurer, mais qui selon toute logique a largement autant d’impact sur la performance d’un contenu que son nombre de mots !

Il est essentiel qu’un article soit facile à lire et à comprendre, et pour cela, la structure du texte joue quand même un rôle. Mais avant tout, la performance du contenu dépend de votre secteur et de votre audience,” peut-on juste lire dans la conclusion de l’article. Je trouve la pondération des résultats vraiment très légère.

Et le “mal” est fait : en caricaturant à peine, l’étude – comme tant d’autres, je ne jette pas la pierre à SemRush ! – fait passer l’idée qu’il est beaucoup plus efficace et rentable de publier un article de 2000 mots rédigé à la va-vite, voire avec les pieds (pour peu qu’il soit bien “structuré”) qu’un billet ultra-pointu, documenté et concis de 500 mots.

Les producteurs de contenus les plus désabusés/lucides (cochez la case qui vous conviendra) peuvent légitimement se demander si le passage sous silence de toute évaluation qualitative des contenus (commençant donc par le maintien de cette appellation ultra-basique) ne fait pas le jeu – et les affaires – de presque tout l’éco-système numérique.
Avec des tarifs de production de contenus jugulés et rabaissés au rang de “matière première”, cela laisse autant de parts de budget à prendre pour tous les autres maillons de la chaîne, de l’infrastructure technique au SEO, au SEA, en passant par la promotion sur les réseaux sociaux ou par mail pour accroître la visibilité des contenus, sans oublier la cohorte d’outils SaaS (automation, suivi d’indicateurs divers et variés, etc.).

Lorsque l’on repense à l’expression “le contenu est roi”, on peut vraiment se demander si sa couronne n’est pas en carton. Ou si le contenu n’est pas un roi fantoche.

Suggestion : Si vous en avez la possibilité et le temps, calculez la part du coût nominal (pour la publication d’un article) dédiée à sa rédaction. Cela vous donnera peut-être l’envie de tester une distribution un peu différente… et de mesurer l’impact sur vos résultats.

Content shock : le roi se meurt, vive le (vrai) roi !

Et bien Sire, un truc qui ne passe pas ? Attention au choc anaphylactique !

Mais ce modèle ultra-quantitatif du content marketing pourrait bien avoir vécu… Ou tout au moins commencer à trouver ses limites, en s’étouffant soi-même avec le flot toujours croissant de nouveaux contenus publiés sur le web.
Ce phénomène a un nom : le Content Shock. Il a été prophétisé dès 2014 par Mark Schaefer :

“Content Shock. Nouvelle phase du marketing s’ouvrant lorsque le volume de contenus s’accroissant de manière exponentielle dépasse notre capacité humaine à les consommer”.

https://businessesgrow.com/2014/01/06/content-shock/

A la base de son analyse, le célèbre consultant/keynote speaker/auteur d’ouvrages dédiés au marketing a simplement confronté deux types de données :

  • La quantité de contenus disponibles sur le Web, qui selon les sources de l‘époque, double tous les 9 à 24 mois,
  • Notre capacité humainement limitée à consommer ces contenus,

Je laisse les plus curieux consulter l’article de Mark Shaeffer pour en savoir plus, mais au final, cela donne ce type de graphe :

Dans un contexte où la production de contenus explose de façon exponentielle alors que la demande est stable, on peut prédire que chaque entreprise, chaque marque devra “payer” les consommateurs de plus en plus cher pour qu’ils consultent la même quantité de leurs contenus. C’est exactement ce qui est en train de se passer,” explique l’auteur. en 2014…

De nombreuses études et statistiques confirment la réalité du phénomène. Notamment l’inflation exponentielle du nombre de contenus publiés.
Concernant les publications de blogs, par exemple, (l’un des types de contenus les plus utilisés en content marketing) les chiffres donnent le tournis : plus de 600 millions de blogs existant à travers le monde et plus de 2 milliards de billets publiés par an, soit 5,8 millions chaque jour ou 4000 chaque minute ! (Internet Live Stats).
Selon le Content Marketing Institute, 85% des marketeurs BtoC et 91% des BtoB affirment utiliser le content marketing (dont les blogs). Et la tendance est toujours à la hausse puisque selon Hubspot :

  • en 2018, 55% des entreprises plaçaient la publication d’articles de blog dans leur top priorités marketing
  • pour 2020, 70% des marketeurs disent investir activement dans le content marketing.

Bref, toutes les vannes à contenus sont encore grandes ouvertes.

Dans le même temps, la société ContentSquare vient de publier son “digital experience benchmark 2020” au sein duquel on trouve un résultat démontrant assez clairement l’effet Content Shock :

Une moyenne de 69% du contenu total des sites web ne serait pas vu par les visiteurs !

Pour mesurer la part de contenus non vu par les visiteurs, ContentSquare compare le nombre total de pages d’un site avec les pages vues par 95% de visiteurs.
Source : 2020 Digital Experience Benchmark – ContentSquare

L’étude est suffisamment large pour laisser penser qu’il ne s’agit pas d’un épiphénomène : ce benchmark s’appuie en effet sur l’analyse de 7 milliards de sessions et porte sur 400 sites web de 9 industries dans 10 pays.
(Que de temps perdu à créer du) contenu non vu,” titre même la startup spécialiste de l’UX et de son amélioration.

Bref, on en plein dans le sujet du Content Shock, et à un stade déjà très avancé !

Aussi violent soit ce choc, cela signe-t-il l’arrêt de mort du content marketing ? Aucun risque. Selon Demand Metric, les actions de marketing de contenu coûtent 62% moins cher que la publicité et le marketing traditionnel et génèrent près de 3 fois plus de leads.
Comment imaginer la profession déserter un canal aussi efficace ?

D’ailleurs 78% des directeurs marketing penseraient que les contenus personnalisés ne sont rien moins que le futur du marketing (Source Compedium).

Redorer le blason du roi contenu

Comme l’annonçait Mark Schaefer, cette concurrence exacerbée au niveau des contenus va juste faire grimper le prix à payer pour qu’ils soient vus (et accessoirement qu’ils génèrent des résultats).

Cette augmentation des coûts du content marketing se conçoit alors sur deux niveaux :

  • Au niveau de la visibilité & l’accessibilité des contenus : à n’en pas douter, les efforts de promotion (publicité, SEA, réseaux sociaux) mais aussi d’optimisation SEO (référencement naturel) devront aller crescendo dans les années à venir,
  • Au niveau de l’attractivité et de la qualité des contenus produits : un sujet capital, car les efforts qualitatifs permettront d’optimiser les investissements en termes de visibilité.
    Logique : tout euro dépensé pour promouvoir un contenu qui n’intéressera pas ses cibles le sera en pure perte. Pire : vous risquez d’échauder durablement bon nombre d’internautes !

Reste à déterminer ce que l’on entend par qualité (et attractivité) des contenus. Un certain nombre de critères techniques et structurels (comme ceux discutés précédemment, lorsque j’évoquais les résultat de l’étude SemRush) ou relatifs à l’UX (expérience utilisateur pour les profanes) rentrent bien évidemment en ligne de compte…
Mais ils ne doivent pas faire oublier la qualité intrinsèque des contenus, à savoir leur qualité éditoriale. A la base, ces contenus sont-ils suffisamment bien produits (rédigés s’il s’agit de textes) pour répondre à leur objectif : informer, divertir ou donner envie aux lecteurs, bref susciter leur intérêt…

Et l’on revient ainsi à la question posée par ce billet : parler de “contenus” nous met-il vraiment dans une optique de montée en gamme qualitative ? Vous devinez maintenant quelle est ma réponse, tant ce mot laisse traîner dans les têtes cette image de matière première low-cost.

Parce que je ne suis évidemment pas le seul à avoir ce type de réflexion, on voit émerger de nouveaux concepts visant à gagner en qualité éditoriale :

  • Le Slow Content consiste, comme son nom l’indique, à réduire la cadence de production et à miser sur des contenus plus durables avec une forte exigence de qualité.
  • La méthode Content x10 vise à décupler la qualité des contenus mais aussi à les rendre évolutifs. “La méthode implique de diffuser des chiffres et des tendances, régulièrement mises à jour et republiées. Elle implique également des informations techniques et pédagogiques qui engagent l’entreprise et servent le lecteur au-delà d’un simple contenu informatif,” explique-t-on chez Plezi.

Voilà deux concepts particulièrement intéressants, dont le principal défaut, selon moi… est de conserver ce satané mot “content” 👿
Vous jugerez mon agacement un tantinet obsessionnel, mais avouez que l’on peut voir la chose dans l’autre sens : pourquoi donc s’entêter à utiliser ce mot ???

Le développement de l’Inbound Marketing s’inscrit aussi dans ce processus d’amélioration qualitative des contenus. Tout simplement parce que la production d’informations pertinentes et utiles pour les lecteurs/cibles est au coeur de cette stratégie. Comme l’explique très bien Hubspot, pionnier de l’Inbound :

“L’inbound marketing consiste à proposer une expérience qui aura un impact positif sur vos prospects et sur votre entreprise. Pour y parvenir, proposez un contenu pertinent et utile pour attirer des prospects et des clients sur votre site web et sur votre blog. Une fois sur votre site ou votre blog, ils peuvent interagir avec vous grâce à des outils de conversation (e-mails ou chat, par exemple) et découvrir la valeur ajoutée que vous pouvez leur apporter. Enfin, vous les fidélisez en continuant à proposer des conseils avisés et une expertise humaine”.

https://www.hubspot.fr/inbound-marketing

Autre raison qui fait de l’Inbound Marketing un bon “exhausteur” de qualité des contenus : la discipline est fondamentalement orientée sur l’acquisition et la conversion de leads/prospects. Ce qui implique un gros travail de définition des cibles (avec les personas) et d’une ligne éditoriale qui soit la plus attractive à leurs yeux.

Comme quoi, même si l’on continue à lire que le contenu est roi, mieux vaut garder à l’esprit que ce sont vos futurs clients qui portent la véritable couronne !

Conclusion & Bonus 🤩

Parce que vous m’avez fait l’honneur de lire ce long article jusqu’au bout, vous avez bien le droit à un petit récapitulatif pratico-pratique.
Même si vous ne partagez pas exactement la même défiance par rapport au mot contenu, et si vous développez une stratégie de content marketing, gardez en tête cette remise en question du terme. Faites-en une petite gymnastique mentale, qui pourra s’avérer très utile au quotidien :

ETAPE 1

Dès que vous le pouvez, remplacez mentalement le mot contenu par une définition plus précise et appropriée à ce que vous envisagez de produire. Mine de rien, vous commencez à affiner votre ligne éditoriale. Exemple : vous comptez publier des articles d’actualité, des résultats d’étude, des cas clients, des fiches produit, etc. ?

Etape 1bis : Au passage, vous épurerez votre production éditoriale de beaucoup de contenus “prétextes” à faible valeur ajoutée et concentrerez vos ressources pour des contenus qui le méritent.

ETAPE 2

Affinez encore la définition de votre “contenu” : qui comptez-vous toucher ? ce faisant vous commencez à cerner quel format est le plus indiqué, quel est le niveau d’exigence qualitative, etc.

ETAPE 3

La définition, même succincte de ces deux éléments, pourra vous mettre sur la piste des personnes les plus à même de produire ce type de contenu (en interne comme en externe). Dans le même temps, vous avez d’ores et déjà commencé à réfléchir au brief pour produire ces contenus !

ETAPE 4

A ce stade vous êtes aussi beaucoup plus au clair avec les objectifs assignés à cette nouvelle publication : gagner de notoriété ou en connaissance de vos produits/services, acquisition ou conversion de leads, etc. Bref vous avez déjà les KPI à suivre pour ce contenu !

ETAPE 5

Vous avez une idée plus précise de quoi produire, comment le produire et quelle est la finalité et la cible. Bingo ! Vous êtes déjà en position pour réfléchir aux meilleurs moyens pour optimiser les performances de ce contenu : publicité, SEA, réseaux sociaux, optimisations SEO ou UX, etc. En fonction des objectifs que vous vous assignez, vous commencez même à avoir une idée du budget à affecter à tout cela…

PS : l’ordre de cette liste est totalement arbitraire. Si cela vous convient mieux, vous pouvez par exemple démarrer cette gymnastique par l’étape 4 (quel objectif ?).

Table des matières

Autres dossiers :

Webmarketing : Le contenu est-il (vraiment) roi ?

Marketing Web : vraiment pas de quoi être « content »

Episode 1/2 : Je n’aime pas le mot contenu. Ca ne tient pas d’une lubie, mais d’une véritable réflexion sur l’avenir du content marketing. Comment une profession peut proclamer par monts et par vaux que “le contenu est roi”, tout en lui conservant un nom si bas de gamme et dénué de sens ? Ce qui vous semble être un point de détail sémantique est, selon moi, lourd de conséquences sur l’efficacité des stratégies content marketing. Explications.

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