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Marketing Web : vraiment pas de quoi être « content »

Episode 1/2 : Je n’aime pas le mot contenu. Ca ne tient pas d'une lubie, mais d'une véritable réflexion sur l’avenir du content marketing. Comment une profession peut proclamer par monts et par vaux que “le contenu est roi”, tout en lui conservant un nom si bas de gamme et dénué de sens ? Ce qui vous semble être un point de détail sémantique est, selon moi, lourd de conséquences sur l’efficacité des stratégies content marketing. Explications.

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Que vous soyez du métier ou non, vous en conviendrez : au pays du marketing, on parle une drôle de langue. Dans celui du digital aussi. Ce sont peut-être même les deux secteurs qui développent les jargons les plus touffus et exclusifs.

Alors imaginez le résultat à la croisée de ces deux univers – le webmarketing ! Un véritable festival – ou désastre, les opinions divergent – en perpétuel renouvellement, où anglicismes et néologismes règnent en maîtres, fidèlement assistés par des légions de sigles et autres acronymes .

Evoluer sur ces domaines pendant une vingtaine d’années, ne peut laisser personne complétement indemme : aussi, je l’avoue, il m’arrive de jargonner 😅
Mais je me soigne ! Et j’ai surtout développé un certain bilinguisme… Pour être en mesure d’échanger avec des personnes qui ne sont pas du serail (ça peut être vraiment utile !). Mais aussi lorsque certains mots posent problème.

C’est le cas avec un mot pourtant quasi-usuel : le “contenu”. Vous savez, le content du content marketing

Pourquoi donc m’agacer de l’utilisation de ce mot si commun et si (omni)présent dans les tendances marketing de ces dernières années me direz-vous ? plusieurs raisons à cela :

  • Justement car le terme est très/trop utilisé, dans tous les sens. Sans être particulièrement paranoïaque, j’ai tendance à y regarder à deux fois avant de jouer les moutons de Panurge,
  • Parce que la définition de ce mot est trop vague, voire dévalorisante. Mais ça, nous allons en reparler rapidement
  • Et qu’en conséquence, je ne comprends pas comment on peut hisser au rang de Roi un concept aussi pauvrement défini, par défaut, par rapport à un contenant. Ce paradoxe me dérange beaucoup.

Tout (ou presque) est contenu… C’est qui le roi alors ?

Ah oui, au fait : au cas – hautement improbable – où vous soyez passé à côté de l’information, il me faut vous d’abord vous rappeler que ce fameux contenu est roi ! Depuis des lustres même, puisque dès 1996 Bill Gates himself signait un essai dont le titre était “Content is king”.

https://medium.com/@HeathEvans/content-is-king-essay-by-bill-gates-1996-df74552f80d9

D’entrée de jeu, le fait que ce sacre soit annoncé par un ponte de l’informatique aurait dû nous mettre la puce à l’oreille, et nous interroger sur la définition exacte du terme “content”. Bill nous laisse d’ailleurs un indice assez clair : 

When it comes to an interactive network such as the Internet, the definition of “content” becomes very wide. For example, computer software is a form of content – an extremely important one, and the one that for Microsoft will remain by far the most important.”

Bill Gates 1996

Voilà voilà… si je comprends bien, ce roi contenu peut aussi bien être un article qu’une vidéo, un message publicitaire, une image, un post sur les réseaux sociaux, un fichier PDF de 50 pages ou même un logiciel (et j’en passe beaucoup d’autres).
Bref tout ce qui remplit les cases d’un contenant, numérique ou non d’ailleurs, a droit à sa couronne.

Une définition vide de contenu…

On touche là à ce qui est le plus dérangeant – à mon sens – avec le contenu : l’unique fonction qui est implicitement assignée à ce mot est celle de remplissage, sans évoquer sa vocation informative, récréative, publicitaire ou autre…
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup (Michel Berger, XXe siècle) :

  • D’abord admettez que c’est un comble pour le content marketing de partir sur des bases aussi vagues. Si ceux qui sont amenés à produire et utiliser du contenu ne se soucient pas du sens des mots, y compris pour définir le coeur de leur activité, c’est un peu inquiétant non ?
  • Quelle valeur donner à un contenu si mal défini ? On est plus proche de la foire au vrac que du marché haut de gamme vous ne trouvez pas ? De fait, cela oriente sur de mauvaises pistes en matière d’évaluation de la qualité des contenus. Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’efficacité du content marketing : si l’on évalue mal la performance/qualité de quelque chose, il va être dur d’en améliorer l’impact.
Alors il est bon ce sandwich ? Un peu mon neveu, il fait 7 cm d’épaisseur !

Mécanique des fluides

Tentons une analogie pour encore éclaircir mon propos :
Allez dire à un producteur de Grands Crus Bordelais que c’est un professionnel de la production de contenu… Pas de vin, pas de boisson alcoolisée, ni même de liquide, mais de contenu. Déjà, je doute que ce dernier soit particulièrement honoré de cette appellation…

Allez aussi le rassurer en lui expliquant que son contenu est roi… Mais de la même façon que s’il remplissait ses bouteilles de jus de pomme, de soda, d’eau de pluie ou même d’alcool à brûler. Et qu’évidemment tous ces contenus seront vendus dans le même rayon 🤪

Admettez que cette catégorisation frise l’absurde, et qu’il y a peu de chance de convaincre notre cher vigneron de se rebaptiser producteur de contenu.

Restons un peu dans le rayon liquides, et challengeons un peu cette réflexion avec une infographie illustrant une citation de Josh Clark (détournant lui-même Bruce Lee !) qui concerne le Responsive Design :
le contenu est semblable à l’eau : mettez de l’eau dans une tasse, elle devient la tasse, etc.

Vous pouvez notamment retrouver cette infographie dans un intéressant billet de Camille Gillet sur le concept d’UX-Writing.
je m’aperçois d’une chose évidente et pourtant rarement formulée : le contenant DOIT conditionner le contenu. Le contenu DOIT s’adapter au contenant,” explique-t-elle en intro de son article…
Difficile de trouver position plus diamétralement opposée à celle que je défends dans ce billet ! En apparence seulement. Cette thèse présuppose juste une chose, pas si anodine que cela : si le contenu est comme de l’eau, encore faut-il que cette eau soit potable. Car aussi beau (ou efficace) soit le contenant, le consommateur risque bien de ne pas apprécier la blague.

Bref, si je détourne à mon tour la citation de Bruce Lee : “mettez de la piquette dans une bouteille, cela devient un bouteille de piquette !” CQFD.

Pour revenir au contexte du content marketing, cela veut tout bonnement dire que les optimisations sur la forme et le « contenant » ne peuvent porter leurs fruits que si le fond (et donc le contenu) est de bonne qualité. Cela peut paraître une évidence, mais je crains bien que de nombreuses personnes ne l’oublient… notamment à force d’utiliser ce mot aussi vide de sens que « contenu ».

A ce stade, il est peut-être temps de faire une petite mise au point : loin de moi l’intention de jouer au Don Quichotte de la sémantique pour me battre contre des moulins. Je ne rêve pas non plus secrètement de rebaptiser à moi tout seul la discipline du content marketing ! Je partage juste avec vous cette réflexion très pragmatique : continuons à parler de contenus s’il le faut. Mais gardons cette remise en question du terme dans un coin de nos têtes. Cette “vigilance” me semble essentielle pour exploiter pleinement le potentiel du content marketing.

Dictature du quantitatif au royaume du contenu

Mais revenons à nos moutons, et au règne annoncé du contenu dès la fin du précédent millénaire. Depuis, l’annonce du sacre s’est inexorablement et largement répandue sur le web. La phrase “Content is king” s’est muée en véritable mantra, psalmodiée par un nombre croissant de personnes sur le Web (juste 3 milliards de résultats de recherche aujourd’hui sur Google !).

Dans la foulée, c’est l’avènement du concept de content marketing au début des années 2000. Pour l’anecdote, c’est une entreprise basée à Cleveland, Penton Custom Media, qui serait l’une des premières firmes à utiliser ce terme en 2001, selon le Content Marketing Institute. La brève histoire du content marketing que l’institut a retracée nous apprend par ailleurs que l’utilisation de contenus par les marques et entreprises remonte… au XVIIIe siècle !
Comme quoi ces dernières n’ont pas attendu Internet pour utiliser les contenus dans leurs stratégies promotionnelles.

Et alors, aujourd’hui, après 20 ans de règne, en sait-on plus sur ce qu’est ce fameux contenu avec lequel on markete ? Franchement, pas vraiment. En tout cas les définitions existantes me laissent personnellement sur ma faim. Exemple :

“Content marketing is the marketing and business process for creating and distributing relevant and valuable content to attract, acquire, and engage a clearly defined and understood target audience – with the objective of driving profitable customer action.”

https://contentmarketinginstitute.com/2012/06/content-marketing-definition/

J’exagère : on apprend tout de même que ce contenu doit être pertinent et de qualité.
Force est de constater que, jusqu’à aujourd’hui, ces subtilités ont eu du mal à être intégrées. Et, dans énormément de cas ont été supplantées par un logique purement quantitative, pouvant se résumer ainsi :
Comme ça le contenu est roi ? Pas de souci, Yaka publier des contenus à la pelle, et de générer des mots, d’images, de sons de façon industrielle”.

Cette forme de productivisme extrême est forcément très tentante quand la chose à produire est si pauvrement définie. Pour ne parler que des textes, les contenus sont alors appréhendés comme des paquets de mots, qui eux-mêmes deviennent une matière première indifférenciée qu’on achète au kilo, que dis-je à la tonne. Certains optent alors pour une délocalisation de la production, voire sa robotisation.

Le résultat est là : sur le marché du contenu, les écarts de prix sont tout bonnement hallucinants. Hallucination qui tourne à l’effroi lorsque l’on regarde le bas de la fourchette des prix… Je ne m’attarderai pas trop sur le sujet tant je le trouve personnellement déprimant, de par mes expériences en tant que journaliste papier et web. Plus sérieusement, ce sujet mériterait un article à lui tout seul (que je finirai bien par écrire un de ces jours). Je me limiterai à deux exemples :

  • Les tarifs au mot varient beaucoup : ils peuvent s’échelonner de 4 centimes le mot (donc 40 € les 1000) à près de 10 fois plus dans certains cas !,” témoigne La Webeuse sur son blog.
  • Sans beaucoup d’efforts, on trouve encore nettement moins cher, comme chez Textbroker, dont la gamme tarifaire se situe entre 1,5 et 7 cents/mot. Et pour 7 cents/mot, le broker promet quand même “un contenu professionnel de qualité journalistique”. Pour information, le tarif moyen à la pige annoncé par le SNJ (Syndicat National des Journalistes) oscille entre 45 et 70 euros le feuillet de 1500 signes, soit entre 18 et 28 cents/mot…

Bien entendu, si de tels écarts existent, c’est qu’au moins une partie des acheteurs de contenus tiennent compte des différences de qualité. Néanmoins, l’utilisation d’un seul et unique vocable, ce fameux contenu, maintient en l’état un marché fourre-tout et nivelé par le bas, où même l’acheteur qui mise sur des contenus qualitatifs peut toujours avoir la désagréable impression qu’il a payé trop cher…

To be continued…

Encore tellement de choses à dire sur ces fameux contenus… Que j’ai choisi d’en faire faire un deuxième article ! Cliquez sur le bouton ci-dessous pour y accéder. Mais avant celà, vous avez peut-être un commentaire à apporter aux idées développées dans ce premier épisode ? Si c’est le cas, faîtes-moi le plaisir d’entamer la discussion 😉